En avril 2020, des élus d’opposition de Poissy, dans les Yvelines, avaient publié une tribune d’expression libre dans le magazine municipal, dénonçant ce qui était pour eux des anomalies électorales et de communication.
Le Maire de Poissy Karl Olive, souvent cité dans les médias, a estimé aussitôt qu’il s’agissait de diffamation et il a même fait imprimer sous la tribune de ses élus d’opposition un encart annonçant qu’il allait porter plainte pour diffamation (depuis, une jurisprudence de la CAA de Douai a expliqué que ce principe d’un encart du Maire accolé à une tribune était une « atteinte à la liberté d’expression des élus de l’opposition« ).
On connait la musique : le Maire peut alors disposer, grâce à sa « protection fonctionnelle », de la prise en charge de ses frais d’avocat par les finances de la commune, et les élus d’opposition en face en sont pour leur poche s’ils souhaitent bénéficier du concours d’un avocat. Et là, Le Maire de Poissy a même choisi un avocat des plus réputés sur la place de Paris, Maître Philippe Blanchetier (par ailleurs depuis condamné en 1ère instance dans l’affaire Bygmalion de 2012 à 3 ans de prison dont 18 mois avec sursis, appel en cours).
Cependant, le Tribunal judiciaire de Versailles a rendu en premier ressort un jugement le 18 octobre dernier, dans lequel il ne reconnait pas la diffamation. Le Maire de Poissy, bénéficiant toujours de la protection fonctionnelle aux frais de ses contribuables locaux, a fait appel de ce jugement.
Mais le plus important pour les élus d’opposition en France qui se retrouvent dans des situations similaires, dans un combat judiciaire extrêmement déséquilibré, c’est que le Maire de Poissy a été condamné dans le même temps par ce jugement , en raison d’une plainte jugée abusive, à verser 1 500 € à chacun des 2 élus accusés par lui-même de diffamation au titre de l’article 472 du Code de Procédure Pénale. Et il a été condamné à publier un communiqué judiciaire rendant compte de ce jugement sur la page de sommaire de la prochaine édition du magazine municipal.
Les motivations de ce jugement sont particulièrement importantes pour les élus d’opposition victimes en France de plaintes abusives en diffamation de la part de leur Maire : « Les poursuites du Maire… engagées avec le bénéfice de la protection fonctionnelle contre des élus d’opposition qui n’en bénéficient pas, instrumentalisent la procédure judiciaire et ont manifestement pour effet d’entraver la liberté d’expression nécessaire à la vie de la municipalité ». En d’autres termes, certains qualifient cela de « plainte-bâillon »…
(Extrait du jugement ci-dessous)
– Publié le 24/12/21