Gasville-Oisème est une petite commune rurale de la banlieue de Chartres, en Eure-et-Loir (1 400 habitants), avec un conseil municipal de 15 membres. Le retrait de délégation à l’un de ses 3 adjoints de la part du Maire a provoqué une crise de défiance avec la majorité du Conseil municipal (qui a refusé de voter le retrait de sa fonction d’adjoint) et ce Maire s’est retrouvé en minorité au sein de son conseil municipal. Le Maire se retrouvant seul dans ses réunions de commission et dans ses réunions d’adjoints, il avait publiquement indiqué que la situation étant bloquée, il allait démissionner , ce que lui demandait également la majorité des membres du conseil municipal.

Mais une fois sa démission envoyée, il se trouve que le Préfet, qui doit légalement accepter toute démission de Maire, a exceptionnellement refusé cette démission en indiquant, s’appuyant sur un raisonnement contestable : le conseil municipal a fait pression pour qu’il démissionne alors que « le Maire de Gasville-Oisème a reçu dans les urnes la confiance des électeurs » (en 2020), sa démission était donc « injustifiée et infondée » (Echo Républicain du 23/11/23). Il faut préciser que la demande de démission du Maire par le conseil municipal s’est faite sans aucune irrégularité.

Il faudrait rappeler au Préfet d’Eure-et-Loir qu’en France, les électeurs n’élisent pas les Maires, mais des listes de conseillers municipaux qui, dans la semaine suivante, élisent le Maire en leur sein. Il s’agit en général de la tête de liste, mais on voit en toute légalité des exceptions où ce n’est pas la tête de liste qui est élue Maire. Les Maires tiennent donc justement leur légitimité de leurs conseillers municipaux et non directement des électeurs, il ne faut dès lors pas s’étonner que lorsqu’un Maire perd la confiance de son conseil municipal, il y ait des conséquences. Un oubli fort étonnant de la part d’un Préfet… Il n’y a pas de lèse-majesté en République : le Conseil d’État a même reconnu pour un conseil municipal le droit de voter un blâme officiel à l’encontre de son Maire (CE 29/07/94, req.n° 126383).

Mais cette incongruité démocratique ne s’arrête pas là. Dans une réaction corporatiste, le Maire de Chartres et Président de l’agglomération (66 communes) a appelé à une manifestation de Maires devant la Mairie de Gasville-Oisème ce vendredi 24 novembre, en soutien au maintien de ce Maire démissionnaire afin qu’il reste en place. Comme si c’était aux communes extérieures de s’ingérer dans la vie démocratique d’une autre municipalité. Comment faire plus intensivement pression sur une démocratie locale et sur de simples conseillers municipaux qui ne font qu’appliquer leurs droits ?…

Fort heureusement, ces élus du Conseil municipal ont alors pris leurs responsabilités et ont posément rappelé toute leur légitimité dans ce débat, en adressant collectivement leurs démissions du conseil municipal (11 démissions sur 15 élus) au Préfet (et sans doute au Maire puisque c’est l’obligation légale), ce qui va contraindre le Préfet à convoquer dans le respect de la loi de nouvelles élections municipales complètes dans les 3 mois, démissions qu’il ne pourra pas cette fois-ci avoir le loisir de refuser. En effet, il n’y a que les démissions d’adjoints que la loi lui permettrait de refuser, mais ces derniers ont fait le choix de rester les seuls en place avec le Maire, uniquement pour assurer la gestion des affaires courantes jusqu’à la nouvelle élection…

La manifestation des Maires a tout de même été maintenue cette après-midi en présence du sénateur, du Président des Maires d’Eure-et-Loire, de nombreux Maires et bien sûr du Maire de Chartres, Président de l’agglomération, qui a rappelé pour l’anecdote, depuis les marches de la Mairie, que le Maire de la commune était le fils de l’un de ses principaux soutiens du tout début de sa propre carrière électorale.

Mairie de Gasville-Oisème (28) le 24-11-23 (Photo AELO)

Par leur démission collective, les conseillers municipaux de cette petite commune imposent sereinement de rendre démocratiquement la parole aux électeurs de la commune, afin de trancher, car ce n’est ni au Préfet ni aux Maires des environs de faire ce choix pour eux… Tant de Maires oublient en France qu’ils doivent fonctionner collectivement, dans une collaboration confiante et réciproque avec leurs élus, que ce petit rappel salutaire ne peut pas faire de mal… Non, un conseil municipal n’est pas qu’une chambre d’enregistrement des décisions du Maire !

La campagne électorale à venir sera à suivre de près, en espérant qu’il n’y ait à rappeler à aucun des candidats que, selon le Code électoral, le soutien d’une collectivité territoriale peut rendre inéligible.

Source : L’écho républicain du 23/11/23 (article de Sébastien Couratin) & AELO pour la présence à la manifestation des Maires

  • Mis en ligne le 24/11/23

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